Un stade devenu une enceinte mythique, un joueur reconverti entraîneur avant d’inscrire son nom en tant que sélectionneur national dans l’histoire du football mondial et un autre joueur qui est le plus vieux de l’AS Saint-Étienne… L’exercice 2020/2021 de la saison de football qui a débuté en août dernier, en France, va être marqué par trois anniversaires qui seront, à n’en pas douter, dignement fêtés par le club stéphanois et ses fidèles supporters.
Au rang desquels figurent toujours Émile Robert, le plus ancien licencié de l’ASSE. En mai 2021, l’homme fêtera ses cent ans. Né à Saint-Jeures, en Haute-Loire, l’enfant qui taquinait le ballon sur les hauteurs du quartier Crêt-de-Roc, quartier populaire de Saint-Étienne, avec un certain René Pasquini, futur attaquant des Verts durant la saison 1937/1938, et jouait aux billes avec Roger Rocher qui fut président de l’ASSE de 1961 à 1982, paraphe sa première licence amateur avec l’ASSE en 1938. Les Foréziens de Thomas Duckworth, l’entraîneur écossais de l’époque, viennent d’obtenir leur place en Première division. L’inter-droit, comprenez le milieu de terrain offensif du couloir droit, a beau être un bon dribbleur, il doit patienter avant d’intégrer un groupe qui compte quelques joueurs d’exception comme Jean Snella, Ignace Tax, Émile Cabannes, René Llense ou encore Karel Hess.
Émile Robert dispute son premier match avec l’équipe fanion contre le Stade olympique montpelliérain, dans le championnat de Guerre, en 1941. Deux ans et une dizaine de matchs plus tard, il ne peut échapper au Service du travail obligatoire (STO) et est envoyé dans le massif du Dachstein pour construire des barrages, en altitude. À son retour, après un peu plus de deux ans, il rejoue un an, en amateur, à Rive-de-Gier puis à Saint-Chamond. À 36 ans, il devient entraîneur à Saint-Didier-en-Velay et continue, en parallèle à jouer avec quelques amis, pour le plaisir. Émile Robert a arrêté le football à l’âge de 58 ans avant de jouer aux boules. Avec talent puisque le Stéphanois a remporté le championnat de France de l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (Ufolep). Longtemps resté le plus vieil abonné du stade Geoffroy-Guichard, l’ancien employé en comptabilité symbolise la fidélité à une couleur et la transmission d’une passion unique à des générations de supporters.
Émile Robert, lui, fait partie d’une génération de Stéphanois qui a vécu la construction du stade Geoffroy-Guichard, érigé en 1930, au nord-est de la ville, dans le quartier du Marais, et devenu l’emblème de la ville. Le projet prend corps lorsque la duchesse de Broglie, fille du baron de Rochetaillée, accepte de vendre un terrain de 41.000 m² à Geoffroy-Guichard, cofondateur de la société Casino en 1898. Son fils, Pierre, défend l’idée d’une enceinte dédiée aux pratiques sportives. Grâce à la constitution d’une société baptisée Les Amis du sport et dont le but est de réunir les fonds suffisants pour la construction, les travaux démarrent sous la houlette de l’entreprise Bouhana, spécialisée dans les stades et les terrains de sport. L’enceinte s’inscrit dans la tradition des stades omnisports avec terrains de basket-ball, de volleyball et piste d’athlétisme avec sautoirs en longueur, en hauteur, et à la perche. Des nuages de fumée émise par les usines situées à proximité s’invitent au-dessus aux premières rencontres sportives. D’où le surnom de « chaudron » donné à ce stade inauguré le 13 septembre 1931 avec deux matchs au programme : un de football où l’AS Cannes bat l’AS Stéphanoise, entité née en 1927 de la fusion de l’Association sportive du Casino et de l’Amical sporting, devenue Association sportive de Saint-Étienne (ASSE), 8 à 3, et un autre de rugby où l’AS Montferrand s’impose 32 à 11 face au Stade forézien universitaire.
La naissance de l’Association sportive de Saint-Étienne en 1933 et l’intérêt populaire que suscite ce club de football évoluant au stade Geoffroy-Guichard poussent, assez vite, à son agrandissement. De nouvelles tribunes, en terre, placées derrière les buts sont construites en 1936, suivies, deux ans plus tard, par la construction de la tribune Henri-Point. La piste d’athlétisme disparaît après l’obtention du premier titre de champion de France des Verts, en 1957, alors que le « Chaudron », cédé à la Ville de Saint-Étienne, va connaître plusieurs aménagements destinés à le moderniser, à le rendre à la fois plus fonctionnel et plus confortable pour son public. La mise en place de l’éclairage, la création de places assises, la couverture des tribunes nord et sud, les diverses réfections de l’aire de jeux, l’installation de deux écrans géants ou encore les agrandissements successifs de la capacité d’accueil, désormais symboliquement établie à 42.000 places, s’inscrivent dans cette volonté de perpétuer l’attrait d’une enceinte mythique et bientôt nonagénaire.
Aux inoubliables rencontres européennes de l’épopée de l’ASSE dans les années 70 ont succédé les matchs internationaux de football avec l’accueil du championnat d’Europe des Nations de 1984, la Coupe du monde de 1998 et l’Euro 2016 mais aussi des rencontres de rugby comme la demi-finale de Champions cup de 2015 entre l’ASM Clermont et les Anglais des Saracens. En 2023, le « Chaudron » devrait recevoir des rencontres de la prochaine Coupe du monde de rugby à XV et des matchs des tournois de football, féminin et masculin, des Jeux olympiques de 2024.
De quoi entretenir l’aura d’une enceinte pour laquelle Aimé Jacquet a toujours gardé une affection particulière. Certes, le nom de l’ancien sélectionneur de l’équipe de France est désormais rattaché au Stade de France à Saint-Denis où les Bleus ont décroché leur première étoile de champions du monde, en 1998, mais l’enfant de Sail-sous-Couzan n’a jamais oublié d’où il venait et où il a effectué ses premières foulées de footballeur professionnel. Repéré sous les couleurs de l’US Couzan, le jeune Forézien rejoint les Verts en 1960 comme joueur amateur et dispute son premier match avec le groupe professionnel confié à François Wicart le 4 décembre 1960. Grâce à un but de Gérard Coinçon en fin de rencontre, les Foréziens repartent avec le point du match nul lors d’un déplacement à Limoges dans cette 19e journée de Division Nationale, devenue Ligue 1.
Employé aux Aciéries de la marine, à Saint-Chamond, l’ouvrier éprouve du mal à émerger alors qu’il assume une double carrière, de joueur et d’ouvrier. Malgré une myélite, maladie infectieuse de la moelle spinale qui entraîne notamment des troubles musculaires et l’écarte des terrains pendant plusieurs semaines, Aimé Jacquet signe signe son premier contrat professionnel en 1961. Ce milieu de terrain travailleur a disputé plus de 230 matchs sous le maillot vert dans un « Chaudron » où il fut sacré champion de France quatre saisons d’affilée, de 1967 à 1970, et deux Coupes de France, (1968 et 1970).
Parti en 1973 chez le rival historique de l’ASSE, l’olympique lyonnais, Aimé Jacquet a fini sa carrière de joueur dans le club rhodanien mais c’est bien à Saint-Étienne qu’il a connu ses deux seules sélections en équipe de France, en 1968, face à l’Allemagne et l’Espagne. Ce jour-là, il est titulaire aux côtés de Robert Herbin, son coéquipier en club, disparu en avril dernier. Entraîneur à Lyon, Bordeaux, Montpellier et Nancy avant de devenir sélectionneur de l’équipe de France, l’homme aura 80 ans en novembre 2021.
Philippe Montagnier