Lyon 1536. Le privilège de la soie accordé à la ville et la mort suspecte du dauphin.

François Ier et Lyon ont eu à plusieurs reprises une histoire commune. La première apparition du roi remonte à juin 1515, alors qu’il vient de succéder à Louis XII. Année facilement repé- rable dans notre histoire de France, qui est celle qui voit le roi prendre la tête d’une armée de trente-cinq mille hommes, forte d’au moins trois cents pièces d’artillerie.

Toute cette troupe passe alors les cols de Sestrières et d’Argentière, en Italie, pour gagner le Piémont et en découdre finalement avec les Suisses, vaincus à la célèbre bataille de Marignan. On relève d’autres séjours dans la ville : en 1516, 1522, 1523 et 1528 où François Ier insti- tue un concile provincial pour mener la lutte contre l’hérésie réformée. Mais en ces temps heureux où l’on peut dire que la Cour de France vivait à Lyon, 1536 est une année importante.

Lyon devient ville de la soie.

D’abord sur le plan économique. La légende veut que la soie ait été inventée par une princesse chinoise, Hsi Ling-shi, en 2 640 avant notre ère. Mais, du précieux tissu venu de ce pays lointain, Lyon va, quelques siècles plus tard, savoir user. En 1466, le roi Louis XI a accordé à la ville des privilèges pour la fabrication des étoffes de soie. Avec l’octroi de plusieurs foires, voilà qui ouvre des perspectives, concrétisées sous François Ier qui, en 1536, soutient deux commerçants pié- montais actifs à Lyon qui ont pour nom Bartolomeo Naris et Guillaume Turquet. Leur projet consiste à créer la première manufacture de draps de velours de soie. 

Un épisode tragique

Malheureusement, cette année 1536 est à marquer d’une pierre noire pour le roi et pour sa descendance. Il se prénommait François. Il était né à Amboise, le 28 février 1518.Il avait été accueilli comme une naissance quasi mira- culeuse. De François Ier et de Claude de France étaient déjà nés deux enfants. Mais il s’agissait de deux filles et l’une, Louise, avait contracté une rougeole mortelle, en 1517, à l’âge de deux ans.

Cette naissance de François offrait donc un premier héritier mâle. La reine se montrait légitimement fière de cette pro- géniture : « Dites au roi, s’écria-t-elle, qu’il est encore plus beau que lui ! ». Rien ne parut de trop pour ce dauphin, paré du titre de duc d’Orléans, parrainé par sa Sainteté le pape Léon X et baptisé dans une ambiance festive qui dura plusieurs jours. Un bel avenir s’ouvrait à lui. On le fiança bientôt à Marie, fille du roi d’An- gleterre. Mais le destin veillait à déjouer les heureux projets formulés sur celui qui devait naturellement devenir François II...

Un verre d’eau fatal ?

Le drame aura Lyon pour cadre. On le disait « jeune homme au goût sobre et ordonné qui portait partout son roman- tisme sérieux ». Parmi les distractions offertes à Lyon, en cet été 1536, plus que les réjouissances coutumières de la Cour, François, s’il était de nature assez maladive, avait une préférence pour l’activité physique. « Le voici parti au “pré d’Ainay” pour jouer à la paume. Il a au côté son “potet”. Il convient d’apporter attention à cet objet... ». Il s’agit d’une sorte de vase de terre qui contient de l’eau qui se conserve très fraîche. François s’adonne sans retenue au jeu de paume, avec le comte Sebastiano Montecuccoli. « L’histoire offre alors deux voies : l’une susurre qu’on lui présenta un verre d’eau, l’autre affirme qu’il but à même le potet. Mais, en ce début d’août, il faisait si chaud !

Et la surveillance du prince était quelque peu oblitérée puisque les préparatifs du départ accaparaient tout le monde. Il semble qu’il sentit en lui de curieuses réactions. De là à affirmer qu’il se coucha immédiatement, terrassé par le liquide, il y a une légende que beaucoup écrivirent. En fait, le 4 août, il prend le bateau royal qui descend vers la Provence. À Tournon, le 7, il se sent toutefois fort mal. Le roi, l’esprit ailleurs, s’en vient le visiter dans sa chambre et repart, rassuré… ».

Trois jours plus tard, cependant, le 10 au matin, la vie s’échappa de ce jeune corps. Le roi, éloigné, l’apprit bien- tôt. Il « ne put retenir ses gémissements et ses sanglots ». Il manda près de lui Henri, le nouveau dauphin, et lui dit : « Mon fils, vous avez perdu votre frère et moi mon fils aîné (...) Mettez peine de l’imiter, en sorte que vous le surpassiez, et de vous faire tel et si vertueux que ceux qui aujourd’hui languissent du regret qu’ils ont de lui, recouvrent en vous de quoi apaiser ce regret… ».

Couverture Almanach du père Benoit
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