Du sieur Rivet et sa veuve, au Père Benoît

Tout a commencé pour notre région, à Lyon, en 1831 avec la publication d’un almanach Double Milan, dont l’auteur, éditeur et libraire 12 rue Lainerie était un certain Pierre Rivet.

Ce premier numéro de 36 pages annonce des « remarques sur les changements journaliers de l’air » ; des observations sur les Comètes, la Médecine, la chirurgie, l’Agriculture et le jardinage, ainsi que les horoscopes, les prophéties de Nostradamus et les foires du département du Rhône, de l’Ain et de l’Isère.

Les prédictions et horoscopes sont réalisés, affirme l’auteur- éditeur : « d’après les calculs et observations des plus anciens et célèbres philosophes, astronomes, médecins, nécromanciens et chiromanciens tant Chaldéens, égyptiens, grecs, arabes et autres… ».

C’est ainsi que l’on apprend que les garçons, nés en février 1831 seraient : robustes, sombres, laborieux, économes, intelligents, heureux en affaires, grands amateurs de sexe et malades à 15 ans… Quant aux filles nées en juillet 1831 elles allaient être dociles, laborieuses, douces, complaisantes, sages, patientes mais menacées par de dangereuses maladies à : 10 ans, 16 ans et 49 ans. Ce qui ne les empêcherait pas de vivre jusqu’à… 84 ans.

Cette année-là, il ne faisait pas bon être né fille en janvier avec une espérance de vie à 49 ans. Il valait mieux être un garçon né en septembre, amateur de vin, de jeu et de chasse avec une espérance de vie de 85 ans, à condition toutefois d’avoir échappé à une forte maladie, dans sa 28e année…

En fin d’almanach, après les foires et les horoscopes, on trouvait le calendrier qui indiquait aussi clairement quels jours étaient propices non seulement pour : semer, planter, tondre, couper le bois, mais aussi pour : saigner, ventouser, couper les ongles, traiter les yeux et même prendre pilules…

Toute une époque!

1832, année bissextile, précise l’almanach sur sa couverture. Le sieur Rivet, auteur, éditeur et libraire prédit une espérance de vie de 42 ans pour les filles nées en mai et de 80 ans pour celles nées en août…

1833, le sieur Pierre Rivet d’Issoudun en s’appuyant sur les calculs du « fameux zodiaque de Denderah en Egypte, dont personne ne connaît ni l’époque à laquelle il fût fait, ni quels en sont les auteurs », ce qui à ses yeux prouve que dans la haute antiquité on était déjà parvenu à avoir de profondes connaissances en astronomie, fait une révélation astronomique. Il assure rien de moins que : « le monde existe depuis 17 267 ans et que dans 6 733 ans, il arrivera un bouleversement général qui changera encore la face du globe ».

Il n’en donne pas plus de détails si ce n’est que « les sciences et les arts seront encore une fois perdus ».

L’année suivante dans son almanach de 1834 le sieur Rivet ne prévoit rien de particulier en astronomie, mais relate trois épisodes dont il affirme avoir été le témoin : « une pluie de grenouilles à Koenigsberg (alors en Prusse orientale, aujourd’hui Kaliningrad), un vent chargé de sauterelles en Espagne, et en Bavière ainsi qu’une grêle extraordinaire, presque sans eau dont les plus petits grains étaient plus gros que le poing, et les plus gros comme des pains de demi-livre ».

A l’évidence, le sieur Rivet qui avait peut-être beaucoup voyagé l’année précédente, et encore on peut en douter, « bidonnait » comme on dit aujourd’hui, en s’attribuant le témoignage de ce que rapportent les légendes vieilles comme le monde.

Peut-être commençait-il aussi à être sérieusement… fatigué. Il va décéder quelques mois plus tard, puisqu’en 1835 l’almanach Double Milan est édité par la veuve de Pierre Rivet.

Plus prudente que son mari, la veuve Rivet ne se lance plus dans des prédictions d’espérance de vie pour les enfants à naître, mais donne une étonnante recette pour contrer la… Rage. « Toute personne mordue par un chien enragé ou même un animal supposé tel, doit aussitôt après presser vivement la blessure entre les doigts et en exprimer autant de sang que possible. Cela fait, on cautérisera la blessure avec un fer rougi au feu… » Cette cautérisation devant être faite, « au plus tard dans les trente-six heures ».

Il est vrai que Louis Pasteur n’avait alors que 13 ans et qu’il faudra attendre un demi-siècle avant qu’il ne découvre le vaccin contre la rage.

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